mercredi 16 décembre 2015

Les sept sources et la vallée lumineuse et colorée de la Simme

Il est de précieux instants qu'il est une aubaine de pouvoir vivre. Ce que je m'apprête à partager avec vous ici, c'est le bonheur avec un grand B - un sentiment qui semble si lointain et abstrait aujourd'hui en ces temps difficiles… et qui le rend d'autant plus précieux. Car la vie, c'est l'accumulation de ces petits moments de délices inespérés qui nous sont offerts. Et il faut en profiter à outrance. Une devise qui est mienne depuis toujours : ne jamais hésiter, s'abreuver de jouissance. 






J'ai été invitée il y a quelques semaines à découvrir le Lenkerhof, un hôtel cinq étoiles niché au cœur des montagnes et des sources chaudes naturelles à mille mètres d'altitude dans la vallée de la Simme (à Lenk im Simmental précisément). Étant donné mon faible pour la Suisse, j'ai de suite été emballée à l'idée d'une nouvelle escapade gourmande dans l'Oberland bernois que je ne connaissais pas encore. Une jolie surprise, tant par la région que par mon séjour dans cet hôtel, atypique pour son accueil courtois, chaleureux et personnalisé, et sa charmante simplicité dans un cadre, certes, luxueux, mais on ne peut plus naturel et décontracté. Un premier coup de cœur sur la route de Genève, passé Gruyères, des paysages plus merveilleux à mesure de notre route, plus isolés, dans un crépuscule ensoleillé tout simplement féérique. 

Après une visite des chambres (spacieuses, élégantes, lumineuses et confortables), de la cave et des cuisines, nous rejoignons la salle du restaurant «Spettacolo», confortablement installés à une table le long de la baie vitrée, en savourant un Prosecco le temps de s'acclimater à la quiétude du lieu. Curieux et affamés, nous choisissons de tester les quinze plats proposés par le chef de cuisine Stefan Lünse, pour un menu à composer d'ordinaire selon l'envie et l'appétit, et laissons carte blanche au sommelier. Créativité et part belle à la qualité des produits - locaux et de saison. The show must go on ! Les vins - pour la plupart de la région - se succèdent, la griserie nous envahit doucement, les papilles s'aiguisent et les mets défilent : Tartare de dorade, avocat, noisette & fingerlimes (citron caviar) / Foie gras, pomme & yaourt de la Lenk / Salade Wardorf, céleri & noix / Essence d'agneau de la région, pois chiches / Crème de betterave, framboise & crème fraîche / Coquille Saint-Jacques, Lard de Colonnata, potiron & argousier / Gnocchi à la ricotta, marron & truffe pour les entrées. Côté vins, 'Domaine du Paradis' de Roger Burgdorfer, Sauvignon Blanc (Satigny, Genève) et 'Tsaboura', vin blanc du Valais de Niklaus Wittwer, Chardonnay (Sion). Nous passons un agréable moment qui ne fait que commencer… S'ensuivront les plats, Poisson du jour (oublié) & œufs de poisson / Filet de bœuf de Simmental à la Stroganov, pommes à la dauphine & petits oignons / Duo de porc de Luma, poire, quinoa & chou de Pékin / Variation de carottes, pistache & olive, accompagnés de deux vins, 'Pezat', Bordeaux Blanc (Sauvignon blanc, Sémillon) et un vin rouge de Majorque 'Àn/2' de Ànima Negra (100% majorquin, formé par les variétés Callet, Mantonegre et Fogoneu ainsi que, dans une moindre mesure, du Syrah). Puis un buffet de fromages régionaux de Suisse, France et Italie accompagnés de confitures maison, noix ou pâte de coing, à faire pleurer de joie les aficionados comme moi. Enfin, les desserts : Coing, sureau & amarante / Mangue, yaourt & fruit de la passion / Marron, figue & meringue. Un repas savoureux et complice qui m'a propulsée bien loin de mon quotidien. 











Nous terminons ce fabuleux diner au fumoir, autour d'un Single Malt d'Écosse 'Jura Prophecy' légèrement tourbé (breuvage imprégné d'histoires, chaque goutte racontant une légende différente) distillé sur l'île d'Islay, retraite sauvage que George Orwell a choisie pour écrire son roman «1984» tout au nord de l’île, et un 'Lagavulin', Islay Single Malt de seize ans d'âge très tourbé de l'île d'Islay (île à un kilomètre seulement de la précédente) aux notes animales, boisées et fumées. Nous regagnons notre chambre pour profiter d'une douce nuit marquée par un phénomène unique et inattendu : une lune "éclairée en négatif" pendant quelques secondes… "L’arc sélène a fondu et la lumière cendrée – la lumière solaire reflétée par la Terre qui éclaire délicatement la face nocturne lunaire – a superbement mis en valeur le reste de notre satellite qui semblait flotter comme un ballon entre Mars et Vénus, expliquant l'étonnante luminosité de la lune et de Jupiter..." J'ai cru rêver. La magie de ce week-end continue…



Réveillée à l'aube, je découvre une chambre baignée de soleil et devine par la baie vitrée une nature luxuriante qui s'impose, et un panorama étincelé d'éclats de lumière. J'aperçois les sources fumantes du spa de l'hôtel à travers la brume d'aurore et profite d'une brise d'air pur et vif du balcon de la chambre qui domine la vallée. Et c'est le moment tant attendu du petit déjeuner, sous forme de riche buffet sucré-salé, un véritable bonheur pour bien démarrer la journée : filets de truite et de saumon, saucisses de pays, œufs brouillés ou à la coque, lard fumé, viennoiseries, carrot-cake moelleux à souhait, fruits frais, graines en tous genres, dates, jus de fruits pressés, et une formidable sélection de fromages pour prolonger le plaisir de la veille. Que rêver de mieux, ensuite, si ce n'est de se prélasser dans l'eau soufrée du spa extérieur - eau chaude comme je les aime - face à de sublimes paysages : détente et relaxation assurées. Car les bains et la Source de Balmen appartenant à l’hôtel remontent à presque 350 ans. "Les 7 sources qui forment la Simme prennent naissance dans une prairie surplombant les chutes de la Simme, dans le massif du Wildstrubel. Au fil de ses méandres jusqu’au lac de Thoune, la Simme insuffle son énergie fluide aux splendides paysages environnants".


Lenkerhof gourmet spa resort, Badstrasse 20, CH-3775 Lenk im Simmental (Switzerland)








Nous repartons imprégnés de cette atmosphère vaporeuse repus et sereins, pour explorer les environs le temps d'un week-end, qui fera l'objet d'un prochain billet.



"I take all the drinks I like, any time, any place. I go where I want to with anybody I want. 
I just happen to be that kind of a girl."
Helen Morrison, Movie: The Blue Dahlia (George Marshall), 1946 __



mardi 1 décembre 2015

Sombre interlude

Les interludes sont rares* sur ce blog. Ces dernières semaines m'ont plongée dans un silence pesant, et je n'arrive toujours pas à trouver l'envie d'écrire ici. (Ma) vie quotidienne m'a paru soudain encore plus futile qu'elle ne l'était déjà, et continuer d'échanger à ce sujet m'a semblé d'évidence totalement déplacé, disons inapproprié au vu des circonstances. Puis le temps a passé. Mais le goût n'est pas revenu. Sous toutes ses formes. L'appétit, la musique - et pourtant elle est ma "survie", mon réconfort -, la fête… Le plaisir, en somme. Je ressens confusément trop d'émotions qui luttent les unes avec les autres, et que je n'arrive à tempérer. Choc / profonde tristesse / vague à l'âme / trouble / lassitude / honte / colère / tension / et j'en passe. Je pleure l'insouciance perdue de mon enfance, et la bulle que je m'étais construite avec le temps est définitivement brisée. Mon monde a basculé, et je me déteste de ce que j'endure si égoïstement alors que Le monde ne tourne pas rond depuis la nuit des temps, et partout ailleurs que Chez moi (je me permets une note d'humour en faisant référence à la fiction Game of Thrones dont je viens de terminer le dernier épisode en date, qui reflète parfaitement un monde [im]monde corrompu par le pouvoir et les croyances). Les mots ne viennent plus, le silence s'impose et mon cerveau implose. 

Je sais qu'il faut aller de l'avant, réapprendre à respirer sereinement - entendons-nous bien, ce n'est pas la peur qui m'habite, mais bien la résultante d'un traumatisme intrinsèque, une sorte de "syndrome du survivant", une plaie ouverte, une gueule de bois qui n'en finit pas. Le temps de [ma] résilience viendra, assurément.

Il est toutefois difficile de reprendre la plume avec la même légèreté. Même le temps d'un interlude. Et pourtant. Le monde continue de tourner avec ce qu'il a de plus abject et ce qu'il nous apporte de plus beau. Alors je posterai tantôt les billets en réserve. Jusqu'à ce que l'envie revienne. [ Demain est un autre jour. ]




"Il y a tout lieu d’être pessimiste, mais il est d’autant plus nécessaire d’ouvrir les yeux dans la nuit,
de se déplacer sans relâche, de se remettre en quête de lucioles."
Georges Didi-Huberman, Survivance des lucioles __



* Les interludes et autres parenthèses ici présents sont d'ordinaire affublés d'un terme plus poétique : Interlude solarisé, Parenthèse enneigée, Parenthèse ensablée, Parenthèse enchantée, Aparté marin