dimanche 25 octobre 2015

Le festin des Folmer

Je suis retournée en tout début d'automne sur les terres belges pour quelques jours, profiter des amis - des discussions passionnées et enjouées devant le premier feu de cheminée de la saison, des rires autour de bonnes quilles -, et me faire plaisir avec un déjeuner tant attendu dans les environs de Bruxelles - à Heverlee, précisément, chez Couvert Couvert, le restaurant gastronomique des frères Folmer. Mon plus long déjeuner qui devance - de peu - L'Arpège d'Alain Passard (nous avons quitté le restaurant… à l'heure de l'apéro !)







Il est midi trente, le soleil filtre à travers la baie vitrée et imprègne peu à peu la salle de restaurant pour la plonger dans une atmosphère douce et paisible et nous propulser dans une bulle de sérénité fort agréable. Nous sommes aux petits soins de Laurent Folmer tandis que Vincent, le frère, se surpasse en cuisine pour combler notre appétit. Nous démarrons par un élégant pétillant naturel pur Chenin 'Grains de Folie' 2014 de Bruno Rochard (Domaine de Mirebeau), une fine gaufrette aux œufs de harengs, yaourt fumé & aneth, et des feuilles de pains au carvi. Les "mises en bouche" se succèdent : Tartelette à la moelle & poutargue de turbo / Thon blanc de ligne en raviole, choux rave, moutarde & câpres de Gabrio Bini / Consommé de bœuf Holstein séché fumé, différentes oseilles du jardin & tomate / Tartelettes coques, orange, parmesan & fleurs (une vraie beauté) accompagnées de panisses de pois chiche, olives noires de Kalamata & sauge mauve : à tomber / Mousseline de pomme de terre, pistache, citron & œufs de bar / Consommé & fleur de melon belge - le dernier de la saison -, différentes menthes et fenouil bronze du jardin, vadouvan / Bouillon d'algues, crevettes grises, tête frite & basilic thaï… chaque produit est identifiable, chaque bouchée une délectation, nous sommes conquis et curieux de découvrir les mets suivants.





Nous allons de surprises en surprises, nos yeux s'écarquillent et nos papilles d'affolent au fur et à mesure des plats dégustés : Porc 'Duke of Berkshire', bulots, radis, vinaigrette de légumes & herbes du jardin / 'Chez Charles' 2013, Sauvignon de Noëlla Morantin / Maquereau poché, noisettes fraîches, cornichons, citron caviar, Shitaké & caviar Belge / Huître en gelée, eau de mer, raifort & concombre. "Comme dirait Magritte, ceci n'est pas une huître", dixit Laurent. Une petite claque iodée. 'Le Fief du Breil' de Jo Landron, Domaine de la Louvetrie (Muscadet Sèvre et Maine sur Lie, Cépage 100% Melon B.) / Ravioles de crabe & tourteau, radis red meat, daikon, betterave, sarrasin soufflé, vinaigre de dashi & mouron : sublime explosion de saveurs, et l'assiette est un vrai tableau / 'Aphros Ten' 2013 de Vasco Croft, Domaine Quinta Casal de Paço (Vinho Verde, Portugal, cépage 100% Loureiro) : fin, minéral et citronné, ce vin me séduit énormément. On continue avec un Canard sauvage laqué, polenta, huile de feuille de figuier, figues rôties, cèpes, carotte & avoine et un rouge de la cuvée 'Artù' di Fattoria San Lorenzo (Marche, Italie, Cépages 60% Montepulciano, 40% Sangiovese).




Le festin continue tout en douceur avec des Gnocchi maison, cèpes, clavaires, potimarron, sauge & parmesan, graines de courge, zeste & pulpe de citron confit / 'Arcaica' de Francesconi Paolo (Emilie-Romagne, Italie), puis un Homard breton, verveine, pommes de terre grenailles, amandes fraîches, cèpes & prunes (mais quelle belle saison que l'automne pour ces associations de saveurs !) / 'Chiarofiore' (Domaine Tunia, Toscane, Italie), les peaux du raisin sont macérées pendant la vinification et donne au vin un léger goût de pomme de terre et d’agrumes confits. Un blanc tannique à la jolie couleur orangée fort original. Enfin un Lieu jaune de ligne, poulpe, aubergine grillée, poivron rouge, vinaigrette de gingembre, mandarine & cacahuète / Jurançon sec Clos Marie Louise Château Lapuyade aux notes de gingembre et d'aubergine grillée, faisant penser à un digestif type armagnac. Étonnant. Les accords mets-vins sont juste parfaits, ce qui ajoute grandement à la délicatesse des plats, raffinés, savoureux et précis. 

Arrive le moment des fromages - que nous avions vu passer en quantité faramineuse sur un chariot. Sauf que nous avons eu le privilège de les avoir travaillés en déclinaison sur trois plats : Anchois frais, courgettes, tomates, herbes, fromage de chèvre râpé de trente ans d'âge, enterré en Italie selon une tradition des chasseurs du sud de la France… adieu, adieu… ce fromage est une tuerie. Topinambour fuseau, chèvre cendré fumé maison, cèpe cru, consommé de peaux. Joue de veau, burrata de chez Julien Hazard, betterave jaune, noix fraîches, caviar & pimprenelle : épatant !





Et ça n'est pas fini, place au sucré, avec trois desserts : un Chaud froid caramel au beurre salé / Mûre, sorbet shiso pourpre, sudachi / 'Bugey Cerdon', un pétillant naturel rosé demi-sec obtenu selon une méthode ancestrale par fermentation spontanée en bouteille, très floral et à la teinte rose bonbon acidulé (Domaine Raphaël Bartucci, entre l'Ain et le Jura) / Glace au vinaigre de coing, poires, feuilles et raisins de muscat / 'Rosato Vivace' 2013, Vini Rabasco IGT Colline Pescaresi (Abruzzo, Italie), un rosé tout orange vif et frais. Suivent une farandole de douceurs : Vagues de pomme séchée, une véritable petite sculpture craquante de finesse / Glace gingembre & sirop d'érable, capucine, orange & mezcal / Sorbet fruits rouge & noir, feuilles de figuier, fraises des bois du jardin / Crème de citronnelle & jus de quetsches, ganache chocolat au lait & café, graines de tournesol & lin, Spéculos / Chocolat amer & fleurs de mélisse / Guimauves thé Earl grey / Palmiers façon kouign amann (je veux ça à tous mes petits déjeuners pour me réveiller avec entrain et de bonne humeur).

Ce splendide déjeuner restera gravé parmi les plus belles découvertes culinaires que j'ai pu faire en gastronomie ces dernières années. Les frères Folmer sont indéniablement passionnés, et ça se sent : ils transmettent un extraordinaire et singulier savoir-faire à travers une cuisine franche et délicate, maîtrisée, faisant naitre chez le gourmet un cumul d'émotions au-delà de toute attente. Nous sommes partis de leur restaurant quelque peu étourdis, avec le sentiment d'avoir passé six délicieuses heures sur une autre planète…


Couvert Couvert, Sint-Jansbergsesteenweg 171, 3001, Heverlee, Belgique



mercredi 7 octobre 2015

Les mirabelles, et l'envoûtement des dunes landaises

Quinze jours sous l'emprise de la magie de l'océan… je ne me lasserai jamais de la vue de l'horizon tantôt vaporeux, tantôt aiguisé, ni du son continuel du ressac qui m'a bercée jour et nuit durant ce séjour hors du temps, ou encore de ces grains de sable de la dune nichés un peu partout comme des milliers de compagnons silencieux. Un paysage aux teintes chaque jour renouvelées, propice à l'évasion et à la volupté, et un quotidien rythmé par le climat ambiant. Une bulle de sérénité qu'il fût terriblement difficile de quitter… et une belle façon de clôturer l'été sur les Dunes comme à son commencement.




Pour la tarte aux mirabelles
Pour la pâte : 125g de beurre salé / 250g de farine / 130g de sucre, moitié blanc moitié roux
Pour la garniture : 1 kilo de mirabelles / 10cl de crème fraîche / 3 cuillères à soupe de miel / 50g de poudre d'amande
Préparer la pâte sablée : dans une casserole faire fondre le beurre, y ajouter le sucre, puis la moitié de la farine. Hors du feu, verser le restant de farine, compléter éventuellement en quantité de farine, de façon à obtenir une pâte friable tout en restant souple. Disposer la pâte en la soudant avec les doigts dans le moule à tarte préalablement recouvert de papier sulfurisé. Passer à blanc à four chaud dix minutes. Préparer le fond de tarte en chauffant dans une casserole la crème, le miel et la poudre d'amande. Le verser sur la pâte et recouvrir des mirabelles entières, saupoudrer de sucre. Remettre la tarte au four 30 min. Une fois sortie, laisser refroidir afin que la pâte durcisse, puis glisser sur un plat à tarte.






"Seuls les yeux ne vieillissent jamais : l'âge passe et ne touche pas le regard."
Tahar Ben Jelloun, L'auberge des pauvres __